Les artistes mulhousiens Jean Benner (1836-1906) et Emmanuel Benner (1836-1896), frères jumeaux, ont exceptionnellement collaboré pour la réalisation de cette œuvre magistrale réalisée en hommage à cet événement d’audience mondiale qu’est l’exposition internationale de 1878, la première développée sous la troisième République.
Les deux artistes eurent chacun une belle carrière personnelle, leur style bien affirmé permet en général de différencier leurs œuvres, Jean ayant développé un travail sur les fleurs, les scènes ou portraits de famille, Emmanuel se retrouve plus à l’aise sur les grandes compositions académiques. On ne connaît pas d’autres œuvres de cette importance réalisée de concert par les deux artistes.
La composition est de grande amplitude, les nations participants à cette manifestation internationale sont représentées par des femmes portant une tenue traditionnelle de leur pays, elles entourent l’allégorie de la Ville de Paris, une jeune femme qui présente les armoiries de la ville devant une stèle dont le fronton gravé rappelle l’événement. L’œuvre est centrée sur l’apologie des Arts. Les artistes d’origine alsacienne ainsi que le savoir de notre région sont ici bien représentés.
Au pied de l’estrade nous reconnaissons des céramiques de Théodore Deck, né à Guebwiller, une toile fort connue de Jean Jacques Henner, grand prix de Rome, né à Berwiller dans le Sundgau, et les étoffes semblent sorties des manufactures mulhousiennes. Rappelons que les frères Benner ont démarré leurs carrières au sein de l’industrie textile mulhousienne en participant à la création de motifs, notamment floraux ce qui peut être une explication de la présence d’étoffes. Côtoyant ce groupe alsacien d’autres symboles complètent la scène notamment le David qui serait l’œuvre d’Antonin Mercier, peut-être un clin d’œil vers le souhait de prendre sa revanche sur l’empire allemand suite à la défaite de 1870. Cette dernière est également matérialisée par la présence, sur la gauche du tableau, de deux femmes en tenue de deuil, elles matérialisent l’Alsace et la Loraine dont le visage partiellement dissimulé évoque la partie de cette région annexée, plus précisément la Moselle, elles sont ici apparentées à des pays à part entière, terres perdues dans le contexte de l’annexion de cette partie du territoire français par l’Allemagne. Le regard triste et perdu au loin de ces deux femmes évoque un message fort envoyé aux visiteurs ou au contemplateur, le retour espéré vers la mère patrie. Ce thème sera également largement diffusé par l’œuvre de Jean-Jacques Henner « L’Alsace, elle attend ». Les Benner et Jean Jacques Henner étaient unis par de forts liens d’amitié, ils se firent mutuellement leurs portraits et Manny , le fils de Jean, bénéficia des conseils du maître et sera le conservateur à vie du Musée National Jean Jacques Henner . Par cette œuvre les deux artistes semblent profiter de l’audience de l’événement pour remettre l’Alsace au centre du débat sur la reconquête de ce territoire perdu et la valeur des artistes déracinés issus de ces régions et qui furent le choix de s’installer à Paris.
Sur l’arrière-plan figurent le paysage parisien et les bâtiments qui furent construits pour accueillir la manifestation.
L'historien Bernard Jacqué a publié un remarquable article sur cette œuvre dans le dernier annuaire de la Société d'Histoire et de Géographie de Mulhouse, merci pour sa publication, ses recherches et son analyse.
A ce jour nous n’avons pas trouvé le commanditaire de ce tableau, assurément une personne attachée à cette région, Bernard Jacqué dans son article sur l’œuvre suggère le nom de Jules Siegfried, nous serons heureux d’accueillir toute information permettant de confirmer cette hypothèse.
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